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  • Mathilde Bourmaud

Julie Fournier, le retour au naturel assumé : « Je sens, je vais, je vogue. Et après ça passe ou ça


Crédit photo : Sidney Carron

Elle a incarné la lieutenante Roxane Janin dans la série Section de Recherche. On l’a découverte au cinéma chez Jean-Pierre Mocky, Etienne Chatillez (Tanguy), ou encore chez Olivier Nakache et Eric Toledano (Nos Jours Heureux)… Dans Vernon Subutex, série événement de Canal+, adaptée du roman de Virginie Despentes, la comédienne Julie Fournier prête, cette fois, ses traits à Gaëlle. Gaëlle, la « butch » qui squatte l’appartement de Kiko, le trader azimuté. Pas de chez soi, pas de sécu, pas de diplôme, pas de boulot... pas vraiment de genre (non plus) mais des tatouages et les Hells Angels dans les oreilles. Sous des airs de princesse camionneuse, Gaëlle vit au-delà de toutes contingences matérielles. Cet au-delà qui l’aide à rester libre dans sa tête ! Un côté brut de décoffrage, qui ne serait pas sans rappeler – aussi - celui de la femme qui l’interprète. Ce versant « wild » que Julie Fournier a cherché, un temps, à maitriser jusqu’à essayer de l’effacer de son identité.

(crédit photo) Sidney Carron

Attablée en terrasse, à l’hôtel Providence, Julie prend le temps de l’échange comme de la mesure du passé et du présent. Autour d’elle, comme un halo. Ce halo ou plutôt cette cape qui, dans l’élan de sa démarche, dévoilerait les trésors et ressorts de son univers. Un univers à la croisée de chemins empruntés, de destinations, de rôles, d’Hommes et de noms (vous comprendrez). Cet univers si palpable, qu’il se ressent comme la mesure frénétique qui rythme sa vie : à l’instinct ou l’intuition. Amoureusement, éperdument. Un univers qui vous enveloppe, sans doute parce que Julie sait épouser celui des autres. Julie n’est pas une fille hermétique. Il serait même impossible de la ranger dans une case. Elle a pourtant essayé mais elle exècre…comme si cela renfermerait bien des impossibles.

La liberté de ses attaches

Ou plutôt ces possibles, qu’elle cherche en quittant Montréal, sa région natale. A 16 ans, Julie a déjà une vie branchée sur mille volts. Une vie à la confluence d’inspirations. Celle de ses parents : un père comptable et une mère thérapeute-psycho-corporelle en communion avec la nature. Mais aussi celle de ses potes un peu « cailleras », un peu infréquentables. Vivre son adolescence, c’est aussi être à la croisée de trajectoires : entre l’école et le mannequinat. Julie enchaîne les cours, comme les shootings et les couvertures du Elle Québec. Ce genre de passe-temps qui fait grandir autrement. Eclore plus rapidement. Ce genre de position qui façonne un électron libre. Ce qui la guide à cet instant, ce n’est pas tant de se voir, cheveux longs dans les magazines que d’attraper le bonheur. D’attraper cette minute là, où l’on ressent comme une bouffée d’oxygène et de grandeur.

Remarquée par l’agence Métropolitan, Julie file vers Paris. « On est venu me chercher. Et moi, je cherchais la liberté». Comme si finalement partir c’était respirer à nouveau. Ressentir cette ivresse qui succède au délaissement de son ancienne terre. A Paris, Julie s’y sent si bien, qu’elle interrompt le parcours typique de la mannequin qui lui était destiné : trois mois à Paris, New York, Tokyo, Milan. Il faut dire qu’en rentrant dans le dur du mannequinat, elle découvre un milieu superficiel et froid où le peu de considération est porté bien d’avantage sur le book que sur la main qui le tend. « On n’avait le droit à un aucun regard, et moi je leur demandais du respect. Quand tu n’es pas Kate Moss et qu’en plus tu l’ouvres… ». Si elle ne sait pas encore comment, Julie ressent qu’elle a bien d’autres choses à partager. Un besoin de s’exprimer. Une sorte d’instinct animal. « Je sens, je vais, je vogue. Et après ça passe ou ça casse. »

« Je sens, je vais, je vogue. Et après ça passe ou ça casse. »

Des infidélités avec l’ailleurs

Et ça passe. Julie veut s’essayer au cinéma… transmettre jusque dans l’expression de son âme. Une nouvelle aventure, non sans compromis et sacrifices. A cet instant, son nouveau monde fait corps avec son nouveau je(u). A son arrivée en France, Julie a senti devoir s’adapter jusqu’à adapter son patronyme. « Je m’appelle Julie Lamontagne-Fournier. J’ai choisi Fournier, nom le plus commun en France. » Une façon pour l’adolescente qu’elle est encore, de rentrer dans le moule du nouveau mode – français - qu’elle côtoie. Elle s’y engouffre pour, à la clé, trouver une sorte de base …voir de légitimité à être là, où elle se trouve. « Même sans accent, je parlais à la québécoise. Et sortie de mon contexte, ça faisait celle qui n’avait pas été à l’école. Il fallait que je parle bien avant de réussir. »

Alors, Julie s’y emploie pour enchainer les films sous l’œil averti de son agent de l'époque, Laurent Grégoire, qu’elle rencontre grâce à son ancien booker. Dans la vie de Julie, tout est (re)lié. Ou l’effet Papillon, cette perception qui la passionne.

De Jean Pierre Mocky à Etienne Chatillez (Tanguy), ou encore Olivier Nakache et Eric Toledano (Nos Jours Heureux), Julie travaille son jeu et enchaine les rôles. Dans cet élan, elle rencontre aussi un réalisateur - peu scrupuleux d’une certaine sensibilité féminine qui dans une séquence du film Snow White ouverte à la presse, l’a imaginée façon « Araki bondage » : nue, suspendue et écartelée par des cordes. Elle est jeune, s’y refuse. Il l’insulte. « Je suis toute fragilisée mais je tiens. Pour moi, mon féminin ». Une expérience qui vient réveiller la nature instinctive de Julie. Celle à qui on n’oblige rien. Surtout quand elle ne le sent pas ou plus…comme lors de la déferlante Julie Fournier. Elle vient d’enchainer les rôles et les paradoxes. Entre Snow white, Nos Jours heureux (où elle campe une monitrice), et Les cent ans de la Laïcité (où elle joue une professeur d’économie), c’est les extrêmes dans les identités. Elle ne s’y retrouve plus et disparaît pour retrouver – un temps - sa première base : québécoise. Un temps qui lui fait penser qu’elle a raté le coche. Dans la vie d’actrice qui réussit, l’absence médiatique n’est pas permise. « Mais quand tu n’es pas bien avec toi-même, ça ne sert à rien de faire les choses. ».

Au nom du désir et de l’engagement

Mais qu’est ce que veut dire réussir ? Chez Julie, sans doute cette idée de retrouver la notion du plaisir et du désir ; et être en prise avec son monde, et elle dedans, bien évidemment. Dans cette nouvelle étape de vie, Julie enchaine les voyages comme autant de pieds à terre dans le monde (Paris, Cape Town, Los Angeles, Burning Man)…comme elle prend l’autre pour destination. Une manière à chaque fois de (se) découvrir un univers où elle s’engouffre. « Je suis une amoureuse. Je vis avec ce que l’on me donne et je sens. » Elle enchaine à nouveau aussi les rôles et les films. Certains ne font pas le box officie mais ce qui lui plait, c’est avant tout l’amour du projet plus que le rôle. « C’est être avec les autres, c’est l’échange ! ».

Comme dans « Vernon Subutex » finalement. Cette chronique sociale qui, sous ses faux airs de polars, donne cette envie de communier, d’être ensemble. Un esprit de troupe, d’amitié, de bande que Julie a toujours chéri dans sa vie. Mais aussi cette poésie radicale qui de par ses personnages, sait révéler la part noire de tout à chacun. « Une part noire, un peu cynique, un peu malsaine - qu’on l’assume ou non - on l’a tous. C’est sans tabou. Virginie Despentes se permet tout. Je trouve ça beau. C’est rare, les gens, qui se permettent autant ». Un peu, sans doute comme son côté tout aussi franc qu’engagé dans ses valeurs et qu’elle a un temps dissimulé par convenance ou injonction. Serait-ce alors le personnage de Gaëlle qui l’a fait renouer avec sa vraie nature à la vie comme à l’écran ?

« Virginie Despentes se permet tout. Je trouve ça beau. C’est rare, les gens, qui se permettent autant »

Derrière la trajectoire d’une comédienne, il y a aussi la trajectoire d’une femme. Le rôle de Gaëlle signe aussi pour Julie Fournier comme un retour. Un retour après trois ans sans rôle campé à l’écran, mais un rôle à tenir dans la vie : affronter la maladie. Un an après la naissance de son fils, on lui a découvert une tumeur au sein de grade trois. Un cancer…suffisamment avancé pour projeter sa vie dans une certaine fatalité. Mais une fatalité à laquelle elle a toujours renoncé de croire. Face à laquelle, elle renoncera d’abdiquer durant deux ans de traitement. Il a été une montagne à gravir dans le calendrier de sa vie. Pour elle et son compagnon qui n’a rien lâché non plus à ses côtés. Une de ces traversées où ça finit bien à la fin. Une de ces histoires qu’elle veut désormais, à 37 ans, transmettre à travers son film. Un film comme un hommage à son Chum. « Une femme sur trois est quittée à l’annonce d’un cancer, contre un homme sur cinq. Et seule, tu ne te bats pas de la même façon ». Un film pour faire prendre conscience aux hommes, aux femmes, à tous, qu’il est possible de vivre la maladie à deux. Ou la capacité à porter son désir ailleurs, au-delà de la souffrance. La résilience ! Le secret de Julie résiderait finalement dans l’échange, plus que dans le regard de l’autre. Comme une réplique qui n’a de sens que si tu as quelqu’un d’autre en face.

Et si Julie Fournier revenait à l’autre versant de son nom … Lamontagne ? Car assumer pleinement son soi dans la glace comme dans l’œil de la caméra … telle est son ambition au jour le jour !

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