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  • Par Mathilde Bourmaud et Nora Bussigny

Foutons la paix au coeur des femmes !


C’est parti d’un dîner. Face à cette bouteille de vin étiquetée « Las chicas » nous défiant presque de revenir à notre point de départ, nous en sommes venues à aborder la question de la trajectoire féminine. Ou comment passer de fille de à femme, sans forcément cocher la case femme de. Cette trajectoire nourrie d’une overdose alarmante de clichés. Ce soir-là, parce que nous l’avons sans doute trop subi, nous avions trop à dire. Ou plutôt trop à vivre. Nora, 23 ans et Mathilde 35 ans, deux regards, deux parcours d’affranchies dans leur situation respective mais qui ploient pourtant sous une tonne d’injonctions. Des injonctions différentes mais si semblables dans ce qu’elles imposent : ce foutu sentiment d’insatisfaction aux yeux de la société. Ce sentiment qui amènerait alors à se définir comme un défi. Celui d’être soi : vaille que vaille !

« Ça me fait penser à cette étiquette que l’on te colle parfois (ou trop souvent) de manière insidieuse, lors de réunions sociales ou familiales. Cette espèce de boomerang que l’on te jette telle une situation criante d’une vérité à la frontière de ton existence, et qui te ramènerait aux yeux de tes pairs à ce que tu n’es pas … encore. N’a pas fait. Ou mal fait. Cette sorte de rencontre du troisième type qui n’est pas (encore) rentrée dans le rang des ambitions programmées. A 35 ans, bientôt 36, je suis célibataire et sans enfant. Je ne coche, à leurs yeux, aucune case de l’engagement ou de l’attachement. Si ce n’est celui à ma liberté. Celle-là même qui pourrait me perdre, croient-ils. »


« L’engagement … Ce sujet qui me hante depuis mes 19 ans. Depuis que j’ai choisi d’être avec quelqu’un, qu’on a offert en pâture aux autres un aperçu de sérieux. J’étais comme marquée, « se maquer m’a tuer ». Le couple, cette fin en soi, qui paraît une fin de soi. Comme si je n’étais plus moi car je créais en parallèle un nous. Cataloguée rangée, j’en avais presque honte d’avouer que je n’étais plus seule, comme si ça altérait un aspect déjanté, pourtant loin d’avoir disparu. Entre ceux qui te susurrent que tu es trop jeune pour officialiser, celles qui te disent que tu es sur la voie de la maternité. Quelle est la place pour mes idées ? »

« Et finalement quelle est la place pour les exprimer ? Ne faisant pas partie de cette vie qui s’accorde au « nous », mon avis conjugué au « je » ne fait parfois pas le poids. Et ce, quand il est possible de l’exprimer autour d’une table. Comme si le célibat illustrait une vision naïve de la vie, celle de la jeune fille. Ou pire encore, la forme égoïste et capricieuse de l’enfant qui s’évertue, dans sa constante, à répondre non à l’habituel réquisitoire de l’ordre établi : « Es-tu mariée ? » « Es-tu maman ? ». Comme si le célibat était l’illustration d’un déséquilibre dans les ambitions féminines. Ou pire, un refus de grandir et d’aimer ! La vérité, c’est que je suis une femme qui de par ce qu’elle vit, observe ou envisage de manière indépendante, ne se refuse rien ni en rien de voir l’amour là où il se trouve et sous toutes ses formes. Ne se refuse en rien d’être elle-même. Cette liberté engagée qui conjugue ses intérêts humains personnels à ceux plus généraux de la société, voire à ce commun d’un nous.»

« La vérité, les enfants, je n’en veux pas. Je n’en voudrais pas. J’attends que les années s’égrènent, que mes 23 ans ne soient plus un argument facile, cette éternelle rengaine « tu changeras d’avis … ». Je digère quotidiennement cette intrusion sous couvert de sagesse dans mon intimité : « à quand les enfants ? ». Chaque jour qui passe, je me justifie, je me débats avec mon âge, j’essaie de justifier une décision qui ne regarde que moi. Non, je n’en veux pas. Et plus profond encore, je m’inquiète. Je m’intrigue aussi, et je m’interroge. Féminisme et couple peuvent-ils arriver à cohabiter en harmonie s’ils s’entrechoquent aux réflexions interpersonnelles de la société ? Je crois que oui. En cessant de me mirer dans le regard souvent inquisiteur d’autrui, en arrêtant de chercher désespérément l’approbation ou l’exemple. En m’émancipant des autres, je m’affranchirai enfin de moi. Pour moi. »

« Ce serait ainsi prendre le prochain jugement ou regard de l'autre comme le dernier ! Car mieux ou pire qu’un jugement, ne serait-ce finalement pas un sentiment qui viendrait trahir une peur chez l’autre ? Celle de ne pas être conforme ou de toucher de trop près la solitude. Car c’est sans doute de ça dont il est aussi question : la solitude. Cette peur de tout être au fond. La femme célibataire devrait alors en avoir que faire ou jouer avec ! Le célibat n’est ni un rêve, ni un projet de vie mais un passage qui devrait se vivre sans la pression sociale. Un voyage dans la connaissance de soi et donc l'autre. »

Alors, si on appliquait ce pas de côté aujourd’hui mais les autres jours aussi : foutre la paix au cœur des femmes ! Car au fond, qu’est ce qui pourrait juger l’amour ?

Crédit photo : Dylan Skaah

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